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La contrefaçon Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail

En matière de fraudes, la problématique de la contrefaçon prend de plus en plus d’importance. Si la problématique de la contrefaçon de marque est connue (sacs à main, vêtements, parfums, …) et pose problème quant à la notoriété de la marque (qualité, label, …), d’autres secteurs sont dorénavant touchés par cette problématique. L’Union européenne et le Conseil de l’Europe ont ainsi décidé de s’attaquer à la problématique de la contrefaçon de médicaments et de pièces de rechange (avion, voiture, …), l’impact en matière de santé publique, d’emploi et d’économie pouvant être considérable.

A l’instar de nombreux produits industriels, les médicaments font de plus en plus souvent l’objet de contrefaçons, avec des conséquences parfois dramatiques pour les patients qui les consomment. Alertés par le développement des contrefaçons, les experts pharmaceutiques du Conseil de l'Europe ont lancé plusieurs enquêtes pour mieux cerner ce phénomène et tenter de le prévenir et de le combattre.

L’ampleur du marché de la contrefaçon reste mal connue, mais l’Organisation Mondiale de la Santé estime que 8 à 10% des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits, chiffre qui atteint 25%, voire beaucoup plus dans certains pays africains et asiatiques: le Pakistan et le Nigeria détiendraient un record mondial avec 50% de contrefaçons. Dans l’Union européenne, la contrefaçon reste rare, mais augmente nettement en Europe orientale et surtout en Fédération de Russie où elle représenterait de 5 à 10% des médicaments.

Les législations pharmaceutiques actuelles ne répondent qu’imparfaitement aux défis posés par les contrefaçons dans le monde, qui se développent d’autant plus vite qu’elles dégagent des bénéfices énormes pour les « producteurs », sans grands investissements. Les produits contrefaits sont généralement inertes ou inefficaces, mais entraînent parfois des catastrophes. En 1995, 89 personnes sont mortes à Haïti suite à la consommation d’un sirop pour la toux contrefait, et un faux vaccin contre la méningite, hautement toxique, a fait 2500 morts au Nigéria. Plus récemment, en Asie du Sud Est, de faux comprimés contre le paludisme, inefficaces, ont entraîné la mort de nombreuses personnes qui se croyaient, à tort, protégées.

Définition

La contrefaçon, sur bien des points, est très proche de la tromperie :

Art.498 du Code penal:

Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs ou d'une de ces peines seulement, celui qui aura trompé l'acheteur :

  1. Sur l'identité de la chose vendue, en livrant frauduleusement une chose autre que l'objet déterminé sur lequel a porté la transaction;
  2. Sur la nature ou l'origine de la chose vendue en vendant ou en livrant une chose semblable en apparence à celle qu'il a achetée ou qu'il a cru acheter

Sont ainsi considérés comme une contrefaçon :

  1. la reproduction, l'usage, l'apposition ou l'imitation d'une marque identique ou similaire à celle désignée dans l'enregistrement, sans l'autorisation du propriétaire ou du bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation ;
  2. toute copie, importation ou vente d'une invention nouvelle, sans le consentement du titulaire du brevet ;
  3. toute reproduction, totale ou partielle d'un dessin ou modèle, sans autorisation de l'auteur ;
  4. toute édition d'écrits, de compositions musicales, de dessins, de peintures ou de toute autre production imprimée ou gravée en entier ou en partie ainsi que toute reproduction, représentation ou diffusion d'une œuvre de l'esprit en violation des droits d'auteur ;
  5. toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, réalisées sans l'autorisation, lorsqu'elle est exigée de l'artiste interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l'entreprise de communication audiovisuelle.

Évolution du phénomène

Les Editions du Conseil de l'Europe viennent de publier un ouvrage sur la contrefaçon de médicaments et la menace grandissante que fait peser cette forme particulièrement inquiétante de fraude sur la santé publique en Europe aujourd'hui1 (mettre les références en bas de page) ).

Fruit de travaux croisés entre pharmaciens, médecins, administrateurs sanitaires, policiers et juristes, ce livre fait le point sur la réalité des contrefaçons en Europe et dans le monde. Il montre que la perméabilité des marchés du médicament ou encore le développement des ventes par Internet facilitent l’irruption de contrefaçons jusque dans les pharmacies. Outre les antibiotiques, les «médicaments de style de vie», dont les stimulants sexuels ou intellectuels, sont les plus prisés des contrefacteurs.

Ce livre propose de nombreuses mesures pour détecter et  combattre les contrefaçons. Il souligne également la nécessité de renforcer la vigilance et de combler le vide juridique face aux évolutions technologiques et commerciales et à la criminalité organisée. Il met en outre l’accent sur l’importance de développer les enquêtes et les études sur les contrefaçons, de rechercher de nouvelles méthodes de détection, de mieux former les inspecteurs de la pharmacie et de la santé et de mettre au point des procédures d’alerte internationales.

Une conférence a été organisée les 23 et 24 octobre 2006 à Moscou par la Fédération de Russie et le Conseil de l’Europe. Au centre des débats : la protection de la santé des Européens contre les menaces que représentent la production, la mise sur le marché et la consommation de médicaments de contrefaçon.  L'élaboration d’un instrument juridique contre le '' crime pharmaceutique '', y compris les médicaments de contrefaçon, et de mesures pratiques pour protéger la société et l’économie contre les conséquences de ce phénomène figurait également à l'ordre du jour de cette conférence.

Législation

Niveau européen :

Règlement (CE) N° 1383/2003 du 22 juillet 2003 concernant l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle.

Niveau national :

Loi du 15 mai 2007 relative à la répression de la contrefaçon et de la piraterie de droits de propriété intellectuelle.

Politique

A ce jour, aucune initiative n’a encore été prise par la Belgique en la matière.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (20 avril 2007) a demandé aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe la mise en place d'un instrument juridique international, sous la forme d’une Convention, visant à introduire une nouvelle infraction portant sur le crime pharmaceutique.

Lors du débat sur la qualité des médicaments en Europe, l’attention des  parlementaires a été attirée  sur l’ampleur de la contrefaçon des médicaments, « une industrie qui tue » et peut être associée à une forme de criminalité organisée. La contrefaçon des médicaments représenterait 10% du marché mondial et supposerait une perte annuelle de 500 milliards d’euros pour les systèmes nationaux d’imposition.

Les parlementaires ont demandé des sanctions spécifiques contre la contrefaçon et l’altération des médicaments, afin de pouvoir arrêter et poursuivre pénalement les auteurs. Ils ont également souligné la nécessité de réglementer la vente par Internet et de mettre en place une véritable coordination sur le plan international, en coopération avec la police, les douanes, les autorités judiciaires et les professionnels de la santé. Des campagnes d’information auprès du public devraient avertir sur les risques encourus par l’utilisation de ces médicaments.

A l’initiative du Comité national belge de la Chambre de Commerce internationale (ICC Belgique)2, une campagne nationale a été lancée en novembre 2007 sur le thème: « La contrefaçon, le cancer de notre économie » (www.contrefacon.be) .

Un autre site, qui se veut didactique et le plus complet possible, mérite d’être mentionné en tant qu’initiative du Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (CRIOC) : www.arnaques.be.

Activités du Service

Le Service a, jusqu’à présent, suivi cette matière sans y intervenir.

L’organisation d’une campagne de sensibilisation spécifique nationale visant à prévenir des risques de l’achat et de l’utilisation de produits contrefaits (médicaments et pièces détachées), principalement en terme de santé publique et de conséquences économiques ; ainsi que d’un colloque sur la contrefaçon font partie des priorités du Service.

Acteurs

  1. Le Réseau d’Expertise en matière de Délinquance Economique, Financière et Fiscale (Ordre judiciaire – Collège des Procureurs généraux) 
  2. Le parquet fédéral
  3. La Direction générale du Contrôle et de la Médiation du Service public fédéral Economie, P.M.E., Classes moyennes et Energie 
  4. La police fédéraleDirection judiciaire financière
  5. L’Office européen de Lutte anti-fraude (OLAF)
  6. Administrations fiscales belges : CAF, Douanes et Accises, Secrétaire d’Etat à la grande fraude 
  7. Le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (CRIOC)
  8. Le comité national belge de la Chambre de Commerce Internationale

Bref aperçu de la littérature

Council Of Europe : Counterfeit medicines - Survey report (2006), ISBN 978-92-871-5863-5.

The pharmacist at the crossroads of new health risks: an indispensable partner for their management ! - Proceedings, Strasbourg, October 1999 (2000), 978-92-871-4404-1.

Le pharmacien au carrefour des nouveaux risques sanitaires: un partenaire indispensable à leur maîtrise ! - Actes, Strasbourg, octobre 1999 (2000), 978-92-871-4403-4.

Moses Naïm, Le Livre noir de l'économie mondiale, Contrebandiers, trafiquants et faussaires, Paris, Grasset, 2007.

 

 

1. Council Of Europe : Counterfeit medicines - Survey report (2006), ISBN 978-92-871-5863-5.

2. www.iccwbo.be/fr/01-00.php